LE TABOU DE LA TRAITE NEGRIERE ARABE

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LE TABOU DE LA TRAITE NEGRIERE ARABE

La traite négrière est triple : l’occidentale (la plus dénoncée), l’intra-africaine (la plus tue) et l’orientale (la plus taboue).

L’Afrique a connu des traites tout aussi violentes et dévastatrices que la traite transatlantique. Il s’agit des traites orientale et transsaharienne, organisées par les Arabes, pendant treize siècles sans interruption.

La traite transatlantique pour sa part, a duré quatre siècles. Tidiane N’Diaye, anthropologue et économiste sénégalais, s’est penché sur le sujet dans son ouvrage “Le génocide voilé”.

“La plupart des gens braquent toujours les projecteurs sur la traite transatlantique pratiquée par les Européens en direction du Nouveau monde. Mais, en réalité, l’esclavage arabo-musulman a été beaucoup plus important parce que, quand je fais la synthèse des travaux existant, pour la traite transatlantique on se situe dans une fourchette entre  9, 6 et 11 millions d’individus, alors que pour la traite arabo-musulmane, ce sont 17 millions de victimes” affirme le Sénégalais.

Groupe d'esclaves menés par un négrier arabe armé, Zanzibar, 1889

Groupe d'esclaves menés par un négrier arabe armé, Zanzibar, 1889

Africains esclavagistes

Les razzias effectuées en Afrique de l’est par la route transsaharienne vers le Maroc ou l’Égypte concernent huit millions d’Africains.

Neuf autres millions ont été déportés dans les régions de la mer Rouge ou de l’océan Indien. Mais, ces statistiques, évoquées par le chercheur sénégalais, sont relativisées par Abdulazizi Lodhi, professeur de swahili et de linguistique africaine à l’Université d’Uppsala en Suède.

“L’esclavage faisait partie de diverses cultures africaines et, dans de nombreuses sociétés africaines, il n’y avait pas de prisons, de sorte que lorsqu’ils capturaient des gens, ils les vendaient, surtout vers le Nord. Ces esclaves pouvaient devenir des soldats et avoir des grades dans d’autres pays. En Afrique de l’est, les principaux participants à la traite négrière étaient les Africains tribaux eux-mêmes. En ce qui concerne l’exportation, les Arabes étaient les plus actifs parce qu’ils s’occupaient du commerce d’exportation et non de la capture d’esclaves en tant que tels. Ils achetaient neuf esclaves sur dix aux esclavagistes africains ” explique Abdulazizi Lodhi.

La traite arabo-musulmane que l’anthropologue Tidiane N’Diaye qualifie de “génocide de peuples noirs”, serait selon lui, en partie à l’origine de la pauvreté, la longue stagnation démographique et le retard de développement actuel que connait l’Afrique.

Et bien que ce fléau ait été aboli, on estime que près de 40 millions de personnes dans le monde vivent encore en esclavage. Le continent africain bien sûr n’est pas épargné.

Marché aux esclaves à Zabid (Yémen) où Abu Zayd vend son fils à al-Harith, manuscrit de l'école de Bagdad, 1237

Marché aux esclaves à Zabid (Yémen) où Abu Zayd vend son fils à al-Harith, manuscrit de l'école de Bagdad, 1237

Les acteurs de la traite arabe

Les esclaves noirs étaient capturés, transportés et achetés par des personnages très différents. La traite passait par une série d’intermédiaires et enrichissait une certaine partie de l’aristocratie musulmane.

L’esclavage se nourrissait des guerres entre peuples et États africains, ce qui donnait lieu à une traite interne. Les vaincus devaient un tribut constitué d’hommes et de femmes réduits en captivité. Sonni Ali Ber (1464-1492), empereur du Songhaï, mena de nombreuses guerres pour étendre son territoire. Bien qu’il fût musulman, il réduisit en esclavage d’autres musulmans vaincus. La dynastie des Askia (Mali) eut la même politique.

Aux VIIe et IXe siècles, les califes avaient tenté d’organiser la colonisation des rivages africains de l’océan Indien à des fins commerciales. Mais ces établissements furent éphémères, souvent fondés par des exilés ou des aventuriers. Le sultan du Caire envoyait des trafiquants d’esclaves pour opérer des raids sur les villages du Darfour. Des bandes armées aux ordres de marchands allaient incendier les villages et rapportaient des captifs, souvent des femmes et des enfants. Face à ces attaques, les populations formaient des milices, érigeaient des tours et des enceintes afin de protéger leurs villages.

Les marchands arabes et berbères d’Afrique du Nord échangeaient des esclaves contre de l’or, du sel, des épices ou des métaux dans les empires d’Afrique occidentale. Ainsi, dans la capitale de l’empire du Ghana Koumbi-Saleh, la population était répartie par quartiers en fonction des ethnies, des clans et des activités : le quartier des Blancs étaient réservés aux marchands arabes qui disposaient de mosquées alors que l’Empire était majoritairement animiste. L’Empire du Mali (XIIIe – XVe siècles) poursuivit les échanges avec les États d’Afrique du Nord et l’on a rencontré des marchands arabes et juifs dans les villes.

Maures pillant un village nègre, in Le Sénégal, René Geoffroy de Villeneuve, 1814, BNF

Maures pillant un village nègre, in Le Sénégal, René Geoffroy de Villeneuve, 1814, BNF

Buts de la traite et de l’esclavage

Les motifs économiques étaient les plus évidents. Dès les débuts de la conquête arabo-musulmane, le manque de main-d’œuvre entraîna le besoin d’utiliser des esclaves sur les chantiers ou dans les mines de sel. La traite occasionnait de grands profits pour ceux qui la maîtrisaient. Plusieurs cités se sont enrichies et ont prospéré grâce au trafic des esclaves, aussi bien au Soudan qu’en Afrique orientale. Dans le désert du Sahara, les chefs lançaient des expéditions contre les pillards de convois. Les souverains du Maroc médiéval avaient fait construire des forteresses dans les régions désertiques qu’ils dominaient afin d’offrir des haltes protégées aux caravanes. Le sultan d’Oman a transféré sa capitale à Zanzibar (signifiant « côte des Noirs »), car il avait bien saisi l’intérêt économique de la traite arabe. Plusieurs milliers d’esclaves transitaient par Zanzibar chaque année au XIXe siècle avant d’être déportés en Arabie, voire au Brésil. Le palais du sultan témoigne encore de sa fortune. Plusieurs milliers d’autres hommes travaillaient de force dans les plantations.

C’était aussi souvent à des fins sexuelles. En effet, dans l’aire arabo-musulmane, les harems nécessitaient un « approvisionnement » en femmes.

Il existait en outre des raisons sociales et culturelles à la traite : en Afrique subsaharienne, la possession d’esclaves était le signe d’appartenance à un haut rang social.

A Constantinople (empire ottoman), 1836

A Constantinople (empire ottoman), 1836

Pour finir, il est impossible d’ignorer la dimension religieuse et raciste de la traite. Punir les mauvais musulmans ou les païens tenait lieu de justification idéologique à l’esclavagisme : les dirigeants musulmans d’Afrique du Nord, du Sahara et du Sahel lançaient des razzias pour persécuter les infidèles : au Moyen Âge, l’islamisation était en effet superficielle dans les régions rurales de l’Afrique. Les lettrés musulmans invoquaient la suprématie raciale des Blancs, qui se fondait sur le récit de la malédiction proférée par Noé dans l’Ancien Testament (Genèse 9:20-27). Selon eux, elle s’appliquait aux Noirs, descendants de Cham, le père de Canaan, qui avait vu Noé nu. Les Noirs étaient donc considérés comme « inférieurs » et « prédestinés » à être esclaves. Plusieurs auteurs arabes les comparaient à des animaux. Le poète Al-Mutanabbi méprisait le gouverneur égyptien Abu al-Misk Kafur au Xe siècle à cause de la couleur de sa peau.

Le mot arabe abid qui signifiait esclave est devenu à partir du VIIe siècle plus ou moins synonyme de « Noir ». Quant au mot arabe zanj, il désignait de façon péjorative les Noirs. Ces jugements racistes étaient récurrents dans les œuvres des historiens et des géographes arabes : ainsi, Ibn Khaldoun a pu écrire au XIVe siècle : « Les seuls peuples à accepter vraiment l’esclavage sans espoir de retour sont les nègres, en raison d’un degré inférieur d’humanité, leur place étant plus proche du stade de l’animal ». À la même période, le lettré égyptien Al-Abshibi écrivait « Quand il [le Noir] a faim, il vole et lorsqu’il est rassasié, il fornique ». Les Arabes présents sur la côte orientale de l’Afrique utilisaient le mot « cafre » pour désigner les Noirs de l’intérieur et du Sud. Ce mot vient de « kāfir » qui signifie « infidèle » ou « mécréant ».

http://environnement-afrique.com/

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Cheikh Anta Diop : en finir avec le complexe du colonisé

“Le complexe de l’africain est très très très profond: il préfère croire le mensonge dans la bouche d’un blanc que la vérité dans la bouche d’un noir”

Extraits d’une conférence à l’université de Niamey, où un étudiant l’interrogeait sur le moment où ses thèses seraient reconnues ?

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